Il existe environ 180 espèces d’armoise dans le monde. Cette plante est utilisée partout sur la planète pour ses différentes propriétés. En médecine chinoise elle est utilisée pour ses propriétés calorifiques, en moxibustion, mais aussi dans la pharmacopée chinoise en boisson et décoction. Elle a été popularisé par le prix Nobel de médecine le Dr Youyou pour son étude sur l’Armoise (Qing Hao) dans le traitement du paludisme et aussi récemment pendant la crise du Covid où nous allons voir que son utilisation est à relativiser et doit être encadrée par un praticien de médecine chinoise compétent. En pharmacopée chinoise nous utilisons les natures et les saveurs d’une plante pour appréhender son impact sur l’organisme. Il existe 5 natures : froid, frais, neutre, tiède et chaud. Les produits froids vont avoir pour effet de refroidir l’organisme alors que les produits chauds vont le réchauffer.

Pour les saveurs, il en existe 5 plus 2 autres soit 7 au total qui sont : le doux, le piquant, l’amère, l’acide le salé auxquelles s’ajoutent l’insipide et l’astringent. Chaque saveur a une influence sur le métabolisme des organes entrailles et sur les mouvements et la circulation du Qi et du Sang.

• La saveur Piquante va faire monter / disperser le Qi, on dit qu’elle est diaphorétique, c’est à dire qu’elle fait transpirer on dit qu’elle a un mouvement centrifuge, vers l’extérieur et la surface.

• La saveur Amère fait descendre le Qi, assèche l’humidité et purge la chaleur ;

• La saveur Douce tonifie le qi, relâche les tensions ;

• La saveur Acide, contient, fait l’astringence, nourrit les liquides organiques et le sang ;

• La saveur Salé ramollit les indurations, fait descendre ;

• La saveur Insipide est diurétique ;

• La saveur Astringente retient fortement.

Voici quelques propriétés de certaines variétés d’armoise utilisées en pharmacopée chinoise selon le Shennong ben cao jing (Classique de la matière médicale du divin paysan, édition Liang shen A. Gläser et Y. Bizien)

QING HAO, Herba artemisia annua

Nature froide, saveur amère

Elle traite la gale avec démangeaison, elle tue les poux, elle traite la chaleur qui est retenue dans les articulations et clarifie la vue.

Miao Xi-yong dit « En cas de déficience de sang lors du post-partum, de froid à l’interne qui produit de la diarrhée et de stagnation des boissons et des aliments avec diarrhée, il ne faut pas utiliser qing hao. »

Li Shi-zhen dit « Qing hao traite le paludisme avec frissons et fièvre »

YIN CHEN HAO, Herba artemisia scoparia

Nature équilibré, Saveur amère

Elle traite le qi pervers du vent, de l’humidité, du froid, et de la chaleur, les nouures de chaleur et l’ictère […]

AI YE, Folium artemisia argyi

Nature légèrement tiède, saveur amère

On l’utilise pour faire la moxibustion, lors des cent maladies. On peut faire des décoctions. Elle arrête les dysenteries, les vomissements de sang, les ulcérations des parties génitales et les métrorragies goutte à goutte chez la femme. Elle fait s’écouler le yin qi, elle régénère les chairs, elle repousse le vent froid […]

Il existe d’autres variétés d’armoise dont, entre autres, la montana et la princess qui sont utilisées au Japon pour faire les bâtons ou pour la moxibustion japonaise chinetsukyu (indirecte) et tonestukyu (directe).

On remarque que toutes ces armoises sont de saveur amère donc entraînent un mouvement du Qi vers le bas. Certaines sont équilibrées, d’autres froides ou légèrement tièdes.

Quand on est malade ?

Le Shang han Lun ( Traité des blessures dues au froid de Zhang Zhong-jin) nous dit à l’article 13 du grand méridien Tai Yang.

« Lors de la maladie de Tai Yang s’il y a céphalées, fièvre, transpiration, crainte du vent on traite avec Gui Zhi Tang » pour faire simple ces symptômes correspondent à une maladie de type attaque de surface ( rhume, grippe selon le vocabulaire de médecine occidentale). Zhang Zhong-jing nous montre dans cet article que la méthode de traitement est la sudorification. L’agent pathogène Vent ou Froid ( si il s’agit d’un ShangHan avec la formule Mahuantang) est en surface. Il faut le chasser en faisant transpirer. Nous avons vu plus haut que la saveur qui avait la propriété de faire transpirer et d’extérioriser (mouvement centrifuge) est la saveur Piquante.

Dans un début de maladie de surface si la personne prend un produit amère, l’agent pathogène va entrer à l’interne et peu provoquer une maladie de Shao Yang ou de Yang Ming avec atteinte du système digestif voire des méridiens yin. Nous aurons donc une aggravation de la pathologie. Ces situations sont décrites dans le Shang han lun. « Ouvrir la maison pour laisser entrer le voleur » dit-on. C’est inviter le pathogène à la surface pour qu’il s’enfonce dans la profondeur.

Donc boire des décoctions d’armoise annua en début d’attaque de vent froid va à l’encontre du principe thérapeutique. Si par contre, après quelques jours, l’ agent pathogène a pénétré dans l’interne, que le froid s’est transformé en chaleur alors dans ce cas Qing Hao peut être utilisé.

Et pour la prophylaxie ?

Ces natures et saveurs sont aussi importantes en ce qui concerne la prophylaxie.

En effet selon la diététique chinoise en hivers il est préconisé de boire et de manger chaud (en l’absence de tout déséquilibre). Durant cette saison le corps doit lutter contre le froid externe. Il faut l’aider en lui donnant des aliments réchauffants. Si vous consommez exagérément des produits froids alors le corps va dépenser de l’énergie pour le réchauffer et en plus il devra lutter contre la température extérieur. Il va donc s’affaiblir et risque de se produire des troubles comme fatigue, frilosité, troubles digestif, diarrhée…

L armoise annua est froide et amère elle est donc parfaite pour lutter contre la chaleur, vous imaginez bien qu’il n’est pas judicieux d’en consommer en période hivernale.

Est il judicieux d’en consommer régulièrement durant l’année ?

Si vous avez un penchant vers des pathologies de chaleur alors pourquoi pas, mais il existe une règle d’or en diététique chinoise c’est de préserver le système digestif. Consommer quotidiennement des produits de natures froides vont finir par léser la Rate et donc affaiblir l’organisme. La saveur amère, par contre, est intéressante car elle manque souvent dans notre ration alimentaire. Elle a un coté asséchant pour lutter contre l’humidité. L’amère va aussi lutter contre les « surchauffes » générées par les stagnations résultantes des troubles émotionnels par exemple. Elle a aussi la capacité à faire descendre le qi.

En conclusion :

Bien que l’Artémisia présente de grandes qualités elle n’est pas la plante aux vertus miraculeuses. Il est nécessaire de bien connaître les propriétés d’un produit pour l’utiliser dans son quotidien. Il n’ y a de mauvais produit, seulement des mauvaises utilisations.

Pour aller plus loin, un cas clinique de Covid : https://liangshen.org/covid-19-03-2021.html

Auteur: Antoine VENEZIA

Relecture et correction: Ludwig Fraissenet